Occultation de l'étoile UCAC4 610 par l'astéroïde Sylvia

Dans la liste des demandes d'observations du site IOTA-ES, un système triple composé d'un astéroïde et de deux satellites Romulus et Rémus est prévu pour le 10 Février 2020.

Qui est Sylvia ?


Sylvia est une astéroïde de plus de 357km, qui occultera une étoile de magnitude supérieure à 14 (4UC610). La ligne centrale du satellite Romulus passait à soixante km au nord de l'observatoire, mais on restait dans la zone d'incertitude.

A cette occasion , le club s'est équipé d'une camera spécialisée dans le domaine des occultations : la QHY174 GPS. Reçu une semaine avant l'évènement, Juste le temps pour Cyril de se familiariser avec.

Lors de la réunion du Vendredi précédent l'occultation, les conditions météorologiques annoncées n'était pas en notre faveur. Pour autant le transit de Mercure en Novembre 2019 nous avait prouvé que rien n'était joué d'avance. Il fut donc décidé de maintenir l'observation

Mise en place et réglages

La journée du lundi a été consacrée à la mise en place et au réglage de la caméra, et par la même occasion de l’installation du chercheur électronique. Les conditions atmosphériques n’ont pas aidé à la mise en place. Vent fort 25-30km/h avec des rafales, et couverture nuageuse importante. Difficile de penser que nous pourrions faire une occultation.


Comme par miracle, le ciel s'est en parti dégagé, nous laissant le temps de régler le chercheur électronique sur Vénus, puis sur des étoiles proches du zénith.

Réglage des paramètres de la caméra. Temps de pose, gain, etc... et synchronisation des Led.

Deux qui travaillent, les autres qui discutent...

Capture

L'acquisition des données a été lancée 5mn avant l'heure prévisionnelle. En est résulté un fichier SER de 5go.

Résultat de l’occultation de UCAC4 610-041692 par Romulus du 10 février dernier ( RC600 + QHY 174 MM-GPS) Data réduction by J; Lecacheux


Voici mon résultat. Malheureusement il confirme qu'il n'a pas existé d'occultation d'une fraction de seconde par Romulus le 10/02/2020 à Mars, ainsi que je l'avais anticipé en visionnant avec 'VirtualDub' un AVI dérivé du fichier .ser original.

Sur la courbe de lumière RES7e.gif ci-jointe le Signal/Bruit de la cible est en effet de 35. Une bonne performance, soutenue sur plus d'une minute !

Je précise que l'incertitude sur l'UTC de l'occultation ( 21:46:15.7 ) n'excédait pas quelques secondes.

Comme le rapport d'éclats Etoile/Sylvia est environ 1/6, toute occultation réelle de l'étoile devrait descendre jusqu'au niveau du signal de Sylvia, c'est-à-dire, sur le graphe, à peu près à l'ordonnée du bord inférieur des mots "SNR" et "35" ; en d'autres termes à -5.9 sigmas.

Une occultation ne durant que 300 milli-secondes pourrait être représentée soit par une mesure isolée unique à environ -6 sigmas au-dessous du niveau non-occulté, soit se répartir sur deux mesures adjacentes, chacune à environ -3 sigmas.

Comme on ne voit rien de tel sur la courbe, je conclus que le Signal/Bruit de 35 a été suffisant pour qu'on puisse affirmer qu'aucune occultation aussi courte qu'une seule pose élémentaire de 300 ms ne s'est présentée, et donc à fortiori qu'aucune occultation plus longue n'a existé.

Noter au passage que sur les 211 poses de la séquence, 8 poses manquaient dans les données, soit qu'elles n'aient pas été stockées dans le .ser pour cause d'embouteillage de l'USB-3, soit que "Tangra" ait échoué à les convertir en .Fits.

Ainsi j'ai traité 203 images numérotées de 2553 à 2755, mais en fait il manquait les 2687bis, 2706bis, 2710bis, 2711bis, 2719bis, 2747bis et 2747ter, enfin 2750bis. Sur la Fig. ci-jointe les images manquantes ont été sautées, de telle sorte que les points de mesure représentés ont tous une abscisse correcte, conforme à leur 'timestamp' augmenté d'un demi-temps de pose.

La "comparaison" est en réalité l'addition des trois étoiles moyennement brillantes, de magnitude 13, que l'on voit sur toutes les images (Cf. ci- joint la pose 2653 à titre d'échantillon représentatif. Je la montre en négatif pour une meilleure vision du bruit de photons. Son 'timestamp' est 21:46:15.5522103 ).

Le Signal/Bruit moyen de cette comparaison composite est 27. Je n'ai pas divisé le signal de la cible par celui de la comparaison, car ce serait inutile (et même un peu contre-productif), puisque que la transparence de l'atmosphère était manifestement stable.

La luminosité du ciel éclairé par la pleine lune était stable également. La somme du signal du ciel et d'un biais électronique dont je ne connais pas la valeur représentait 13.5 % de la dynamique de la caméra.

Le 'seeing' - sans être mauvais - était nettement moins stable que la transparence du ciel, ou que sa brillance. La moyenne de la "fwhm", mesurée sur les trois étoiles de comparaison séparément, était de 5.63 pixels ou 2.6 secondes d'arc. Ici j'appelle pixel le composite qui a résulté du binning 2x2.

L'amplitude totale de la superposition de l'agitation atmosphérique et du défaut de suivi du télescope a été contenue en alpha dans 9 pixels ou 4".2 et en delta dans 5 pixels ou 2".3. (Rappel: Visée à 14 degrés du zénith, 19 minutes avant le méridien.)

On aperçoit aisément sur toutes les poses 4 étoiles de magnitude V= 15.7, et plus difficilement (car seulement avec l'aide d'un 'blink') quelques étoiles de magnitude 16.2 ou 16.3. La magnitude limite des poses de 0.3 s devait donc être proche de V= 16.25, mais je rappelle que l'observation se déroulait 1.6 jour après la pleine lune et à la distance angulaire à la Lune de 72 degrés.

Par une nuit sans lune, quand le ciel serait environ dix fois plus sombre, on obtiendrait certainement une magnitude limite en 0.3 seconde un peu au-delà de V= 17.0.

Grâce aux trois étoiles de comparaison "a","b","d" je peux d'ailleurs déterminer avec précision que la brillance du ciel de l'occultation aurait été V= 18.0 par seconde d'arc carrée si le biais électronique des images était nul.

Comme celui-ci n'était certainement pas nul, en admettant un biais raisonnable de +2500 adu sur les images originales en 32 bits, je dois remplacer la valeur calculée V= 18.0 par 18.5.

Noter que le formulaire que j'emploie d'habitude pour prédire la brillance du ciel illuminé par la Lune prévoyait V= 19.1 par seconde carrée à Mars au moment de l'occultation. L'écart de 0.6 magnitude entre 18.5 et 19.1 est purement anecdotique, tant la brillance du clair de lune est sensible à la présence d'aérosols.

Cette analyse de magnitude limite n'était en rien une digression inutile, car elle pourra nous aider à préciser à l'avance la faisabilité de futures observations à 07- Mars avec à peu près le même matériel.

En fait la majorité de nos alertes d'occultation par un TNO ou centaure impliquent une étoile cible un peu plus faible que V= 17.0. Hélas nous n'y pouvons rien; c'est simplement parce que les occasions impliquant des étoiles sensiblement plus brillantes que V= 17 ou 16 sont trop rares en n'importe quel site particulier. Or il est souvent impossible lors d'une occultation de faire des poses de plusieurs secondes.

Jean Lecacheux